L’Ortie
L’ortie, de la grande famille des Urticacées, nous parle par son nom latin urtica de « urere » qui signifie « brûler » , allusion au pouvoir urticant de ses feuilles. Elle pique, pince, irrite, agresse, gratouille, chatouille, picote, énerve, torture, mais cette guerrière est aussi une salvatrice qui régénère, apaise, cicatrise, soulage, revigore, requinque, habille, réchauffe et surtout nourrit.
Une trentaine d’espèces de cette famille existe dans le monde. Leurs tailles passent de quelques centimètres à des mètres. En Nouvelle-Zélande, on trouve des forêts entières d’orties qui peuvent mesurer jusqu’à 5 m de hauteur. Pour y étudier ces « arbres » hors du commun, des chercheurs risquent leurs vies car leurs piqûres peuvent être mortelles.
En Europe, la variété la plus connue est la grande ortie, Urtica dioica, que l’on trouve le plus fréquemment sur les bords de chemins, dans les jardins (pour faire le purin d’ortie, un engrais naturel) mais aussi chez les fabricants de compléments alimentaires. Elle pousse à l’ombre, particulièrement dans les endroits humides et sombres, comme le long des murs ou des granges. L’ortie est une plante dite nitrophile, elle a besoin d’un sol bien pourvu en matière organique donc en nitrates.
C’est pour cela qu’elle est si riche en provitamines A (caroténoïdes dont le bêta-carotène) et chlorophylle. La vitamine A aide à la prévention des maladies cardiovasculaires et de l’artériosclérose. Quant à la chlorophylle, elle oxygène les cellules pour renforcer le système immunitaire.
La grande ortie détrône l’épinard et autres légumes verts par sa teneur en fer, silice, tannin, calcium, soufre, titane, potasse, lipides et autres vitamines comme la vitamine C, E, K et B9 (acide folique). Pour les jeunes mamans, un mélange galactagogue (qui favorise la sécrétion lactée) avec du fenouil est idéal pour augmenter le lait et éviter l’anémie. Elle est aussi la plante des femmes enceintes grâce à la vitamine B9[1] qui permet au fœtus un meilleur développement. L’ortie fraîche en contient 212 mg/100g.
Ses vertus nutritives sont déjà citées au IIe siècle par Galien, le célèbre médecin grec de Rome. Est-ce cela qui lui permit de vivre presque centenaire ? À moult reprises dans l’Histoire, l’ortie a sauvé des peuples menacés de disette après des intempéries ou les ravages de la guerre et, plus récemment, ce sont les maquisards et les résistants qui ont profité de ses vertus nutritives.
Depuis le Moyen Âge, on la retrouve dans la fabrication de vêtements et de cordes. Au XVIIe siècle, elle continue à être utilisée à Rochefort, en Vendée, pour fabriquer des cordages. Elle finit par être complètement délaissée au profit de fibres plus rentables comme le coton ou le lin.
La Première Guerre mondiale donne un regain d’actualité à l’emploi des orties comme sources de matière textile. Les Allemands, à la recherche d’alternatives pour remplacer le coton, en relancent la culture. Elle servira essentiellement à fabriquer du linge pour les officiers qui portaient notamment des chaussettes en fil d’ortie aussi douces que de la soie.
Aujourd’hui, la culture pour l’habillement reprend de plus belle, car la demande de prêt-à-porter éthique est croissante. L’ortie est une plante vivace qui consomme peu de pesticides contrairement au coton. Elle a aussi un très bon pouvoir d’isolation thermique.
Au XXIe siècle, pour les citadins et autres personnes soumises au stress et à la fatigue, les remèdes à base d’ortie sont indispensables. Telle une transfusion sanguine de verdure, elle renforce le système immunitaire, lutte contre les problèmes respiratoires, les insomnies, les jambes lourdes, l’anémie, la constipation, les allergies, les problèmes de peau, la perte des cheveux et le manque d’énergie grâce à une combinaison de vertus thérapeutiques : antianémique, tonique (général), anti-inflammatoire, reminéralisante, antioxydante, antiasthmatique, pectorale, antirhumatismale, hypoglycémiante. La plus surprenante de ses vertus est sa propriété adaptogène. Elle appartient à ces plantes qui aident l’organisme à lutter contre le stress de façon globale, quelle que soit la nature du stress.
« Une indispensable » donc, dans notre armoire aux herbes ou notre jardin.
[1] Selon l’Anses (Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour « minimiser les risques au cours de la grossesse et les risques cardiovasculaires », les apports conseillés en acide folique sont environ de 300 µg/j chez l’adulte et l’adolescent, de 150 à 250 µg/j chez l’enfant selon la tranche d’âge et de 400 µg/j chez la femme enceinte.